Voyage d’observation au pays de l’endémisme insulaire.
Pour les biologistes, Madagascar est un vaste laboratoire de l’évolution grandeur nature : un territoire à part où la vie s’est forgée de façon originale. Madagascar se sépara du continent africain il y a environ 160 millions d’années, entraînant avec elle un capital faunistique et floristique primitif qui s’éteignit en Afrique mais prospéra sur l’île en y développant de nouvelles formes.
Les îles en général sont connues pour le particularisme de leur faune et de leur flore. Lorsque les plantes et les animaux s’y sont suffisamment différenciés pour former des espèces uniques au monde, on parle d’endémisme. A Madagascar, le taux d’endémisme atteint des records : la majorité des formes de vie qu’on peut y observer ne sont visibles nulle part ailleurs !
La flore locale s’élève à 8500 espèces (mais comme beaucoup restent à découvrir, certains botanistes estiment que le total pourrait atteindre 1 200 taxons). Sur les espèces actuellement répertoriées, près de 6 000 sont endémiques à Madagascar et 8 familles de plantes parmi les 191 existantes n’ont pas de représentant en dehors de l’île.
L’endémisme animal atteint des proportions identiques : chez les oiseaux, sur 310 espèces, 108 sont propres à Madagascar dont plusieurs familles lui sont exclusives (voir la liste complète ici: https://avibase.bsc-eoc.org/checklist.jsp?region=MG). Du côté des mammifères, le phénomène d’endémisme est encore plus marqué : il trouve son aboutissement extrême avec la trentaine d’espèces de lémuriens aussi étroitement associés à Madagascar que peut l’être la girafe à l’Afrique. Avec les reptiles (257 espèces) et les amphibiens (144), on pousse encore plus loin l’illustration : ainsi, tous les amphibiens malgaches (à l’exception de 2) sont-ils introuvables en dehors ; et c’est à Madagascar que vivent les deux tiers de toutes les espèces mondiales de caméléons. La communauté des invertébrés n’est évidemment pas avare de formes originales. Mais encore aujourd’hui, des milliers d’insectes (et combien d’acariens ?) vivent dans l’anonymat au cœur des forêts profondes et des reliefs difficilement accessibles.
Si l’on ajoute à ce séduisant tableau faunistique et floristique la diversité des milieux naturels malgaches (secs ou humides) et la multiplicité des groupes ethniques (issus d’Afrique et d’Asie), on trouve des raisons supplémentaires de visiter ce pays, malheureusement affecté par une situation économique critique et un phénomène difficilement maîtrisable de déforestation massive.
Notre circuit constitue une approche pluridisciplinaire de la biodiversité malgache et offre de multiples opportunités de photographier la nature locale, depuis la macrophotographie (petite faune, flore) jusqu’à l’usage du téléobjectif (oiseaux, mammifères), en passant par le grand angle (paysages).
En savoir plus sur les régions visitées :
Perinet :
Cette réserve d’état proche de la capitale malgache est une autre étape incontournable de tout circuit naturaliste à Madagascar.
Située sur un massif cristallin constitué de collines (altitude autour de 1 000 m), abondamment arrosée de surcroît (1 700 mm de pluie / année), la réserve protège un bel ensemble de forêts tropicales peuplées de fougère arborescentes au port altier.
La plupart des touristes se déplacent à Perinet pour voir l’indri, le plus grand lémur actuel (un mètre de longueur environ). Si sa silhouette n’est pas sans évoquer celle d’un ourson, ce sont ses émissions vocales qui laisseront le souvenir impérissable d’un contact plus ou moins rapproché avec lui : à l’aube et au crépuscule, les indris jalonnent les territoires de leurs clans respectifs en poussant des cris modulés, véritablement extraordinaires, dont la portée est de 3 km. L’indri est une des grandes voix de la nature ! Dans l’ambiance feutrée de la forêt qui s’éveille au petit matin sous ses dentelles de brume, le chant des indris a quelque chose de magique…
Perinet a beaucoup d’autres choses à offrir : les caméléons y sont abondants, depuis les plus minuscules (quelques centimètres de longueur) jusqu’aux plus robustes à rostres nasaux. Quelquefois, on surprend la sieste d’un boa aux reflets améthyste, dans une clairière herbeuse, près du poste des gardes, voire à quelques dizaines de mètres de notre lieu d’hébergement. Si les serpents sont nombreux à Madagascar, aucun n’est venimeux, phénomène suffisamment rare sous les tropiques pour être noté ici.
Même richesse chez les amphibiens de Perinet (24 espèces dont la très localisée Mantella aurantica, une grenouille entièrement dorée qui ne vit nulle part ailleurs). Petites mares et cours d’eau procurent un habitant très favorable à tous ces vertébrés amphibies.
Du côté de l’avifaune, une liste de 109 espèces permet d’observer l’étrange vol circulaire du courol (un oiseau « façon rollier » qui forme une famille à lui seul !). Des râles discrets, des rolliers terrestres ou des philépittes (passereaux endémiques aux faux airs de souis-mangas) peuvent ponctuer une balade d’observation à Perinet, le long de sentiers faciles et sous la conduite de guides locaux très performants.
La nuit, les observations et la photo peuvent se poursuivre si l’on souhaite surprendre la faune endormie (caméléons) ou au contraire en activité : lémuriens nocturnes, grenouilles, araignées…
Ranomafana :
Avant d’être un sanctuaire de la vie sauvage malgache, Ranomafana (qui signifie «eau chaude ») fut d’abord une ville thermale, au temps de l’ère coloniale.
En 1986, la découverte de l’hapalémur doré, une nouvelle espèce de lémurien vivant aux côtés d’un autre hapalémur dans les mêmes forêts de bambou, fit sensation ! L’un se nourrit des feuilles de cette plante ; l’autre ronge sa tige…
Avec 12 espèces de lémuriens (dont le mythique aye-aye), Ranomafana s’imposa dès lors comme une zone à protéger d’urgence et un parc national fut créé en 1990, associant étroitement la population locale, en particulier d’un point de vue économique. Sur un panneau qui jouxte le petit musée on peut lire l’inscription : « Harmoniser la conservation de la forêt tropicale avec le développement des habitants de Ranomafana ». Les guides locaux qui font découvrir la zone protégée sont d’ailleurs reconnus pour leurs compétences (ils ont été formés au contact des scientifiques venus étudier la nouvelle espèce de lémurien).
Les richesses faunistiques du parc (40 000 ha) incluent aussi 4 espèces de rolliers terrestres, cette famille d’oiseaux endémique à Madagascar (qui ne compte d’ailleurs en tout que 5 représentants).
Ranomafana protège une série de collines étagées entre 800 et 1200 m d’altitude : la végétation, de type tropical humide, y est exubérante, avec des épiphytes variées accrochées aux branches des arbres (pluviosité annuelle : 2 600 mm répartis sur 200 jours). Des cours d’eau alimentent la rivière Namorona, dont la descente est interrompue par de belles cascades.
Certains participants de notre groupe préfèreront sans doute des balades faciles, au contact des lémuriens habitués aux visites ; alors que les autres opteront pour une excursion naturaliste d’une journée afin d’explorer la fameuse bambouseraie dans l’espoir de surprendre le plus rare des lémuriens de Madagascar, celui dont on ignorait encore l’existence il y a 15 ans.
Isalo :
L’isalo est aussi célèbre à Madagascar que le Grand Canyon aux Etats-Unis ! Et pour cause : c’est avant tout un univers minéral, de type gréseux, modelé par l’érosion.
Le parc couvre plus de 81 000 ha et l’altitude varie de 514 à 1268 m. Les journées y sont chaudes, car son emplacement relève déjà de la zone aride qui caractérise le Sud-Ouest de Madagascar. Mais une particularité du massif de l’Isalo est la permanence de l’eau, sous forme de rivières claires, s’élargissant parfois en vasques salutaires, puisque propices à la baignade.
Le long de ces cours d’eau, la vie s’est enracinée dans l’exubérance qui caractérise les milieux de types oasis entourés de territoires plus hostiles (les précipitations locales ne sont que de 850 mm / an). Les ripisylves de l’Isalo sont réputées pour leurs palmiers du genre Chrysalidocarpus (isaloensis, cela va sans dire !) et leurs formations de pandanus.
A l’écart des rubans de verdure qui serpentent en suivant le tracé des cours d’eau, une flore adaptée à la chaleur joue aussi la carte de l’originalité et de l’endémisme : citons Aloe isaloensis et Pachypodium rosulatum , variété gracilius, des plantes capables de stocker des réserves d’eau pendant la longue saison sèche. Les pachypodiums (littéralement « pieds de pachydermes ») sont souvent confondus avec des baobabs miniatures dont ils ont le tronc large et évasé. Leurs grosses fleurs jaunes s’épanouissent à partir du début de juillet (avec un peu de chance, nous en profiterons donc…).
Ce n’est pas prioritairement la faune, mais le paysage (et ses particularités botaniques) que l’on vient voir à Isalo. Néanmoins, 55 espèces d’oiseaux, essentiellement associées à la galerie forestière qui ceinture les rivières, animent les lieux, ainsi que 3 espèces de lémuriens. Sur le plan ornithologique, jusqu’à une date toute récente, l’Isalo était considéré comme le seul lieu de vie d’un turdidé rupicole, le merle de roche de Benson. Des études d’ADN ont finalement montré qu’il était préférable de ne pas séparer cet oiseau du monticole de forêt, plus largement représenté, bien qu’endémique à Madagascar.
Une excursion d’une journée, sans difficulté majeure, nous mènera au Canyon des Singes (évidemment des lémuriens) et au site de la Piscine Naturelle, une délicieuse étape rafraîchissant au bord de l’eau, dans un écrin de verdure qui présente bien des points communs avec la projection du paradis terrestre de nos rêves.
Tulear / Ifaty :
Au bord de l’océan, près de la ville de Tulear, un milieu unique au monde présente superficiellement quelques ressemblances avec les semi-déserts à cactus d’Amérique : c’est le domaine des didiéracées, une famille botanique endémique à Madagascar. Une certaine affinité avec les cactées du Nouveau Monde est démontrée par la possibilité de greffer artificiellement ces deux groupes entre eux. Mais plus qu’une véritable parenté, il s’agit là d’un exemple éloquent d’évolution convergente de deux familles géographiquement séparées qui présentent des caractéristiques communes en réponse à une adaptation à des conditions d’existence semblables (en l’occurrence l’aridité). Tous les membres des didiéracées sont dioïques (les floraisons mâle et femelle intervenant sur des pieds séparés). Ces plantes perdent leurs petites feuilles pendant la saison sèche mais conservent le revêtement d’épines qui caractérise la majorité d’entre elles. Alluaudia ascendens porte bien son nom, puisque certains exemplaires atteignent 15 m de développement en hauteur. Didierea madagascariensis est communément appelé « arbre-pieuvre », en raison de la structure rayonnante de ses ramifications, à la manière de tentacules tendus.
Le « désert épineux » du Sud de Madagascar est abondamment pourvu en euphorbes, parfois cactiformes elles aussi, parce que soumises aux mêmes contraintes de leur environnement. Ces plantes exsudent toutes un latex, généralement toxique. Les aloès (familles des liliacées) sont un genre botanique également bien présent (60 espèces endémiques). Quant aux baobabs, Madagascar constitue leur véritable patrie, avec 7 espèces (contre une seule en Afrique). Les plus adaptées à la sécheresse du Sud-malgache ont l’apparence d’outres renflées.
Le rare rollier terrestre à longue queue est l’oiseau le plus menacé par la disparition de ce milieu original, étonnamment peu protégé et soumis, de fait, à une déforestation inquiétante ; les troncs de certaines didiéracées et les baobabs étant transformés en charbon de bois et en matériaux de construction par les populations riveraines très pauvres. Certains locaux se sont fait une spécialité dans la recherche d’espèces aviennes rares et localisées qu’ils montrent aux naturalistes de passage, avec une rare science de la forêt épineuse où ils sont nés.
Notre hébergement à l’hôtel est agréablement situé sur la plage à partir de laquelle, il est possible de découvrir le récif corallien en apnée, en empruntant une barque locale.